Vous êtes interprète

En tant qu’interprète communautaire, vous êtes un personnage central pour les réfugié·es dans leurs rapports avec les différents acteurs en charge de leur parcours d’asile. En levant les barrières linguistiques et en explicitant les non-dits culturels, c’est vous qui leur permettez de comprendre et de se faire comprendre. Ceci vous confère un rôle crucial et un pouvoir décisif sur le parcours des personnes interprété·es.

Pour les réfugié·es LGBTI+, la présence d’un·e interprète, loin de faciliter l’expression, la compréhension et la confiance, est plutôt décrite comme un obstacle à la la parole sur leur OSIEGSB. Ceci a évidemment des conséquences sur leur accès aux droits et aux ressources adaptées à leurs besoins, et en particulier leur besoin de protection.

> OBSTACLES
> BONNES PRATIQUES
> OUTILS


Obstacles

Il est fréquent que les réfugié·es LGBTI+ n’osent pas aborder leur OSIEGSB par :
– crainte face à de réactions LGBTI+phobes de la part d’une personne venant de la même communauté qu’iels ont fuie
– honte à aborder ces comportements jugés comme « anormaux » dans votre société d’origine
– peur que cela se sache au sein de la communauté et les mette en danger.

Vous-même, en tant qu’interprète, face à ce sujet, pouvez :
– ressentir des difficultés à parler, car cela est un sujet tabou ou criminalisé dans votre société d’origine, et avoir une attitude marquée par la surprise, la gêne, le malaise, etc. Ceci ne participe pas à l’ouverture de la parole pour la personne concernée.
– ne pas connaître le vocabulaire utilisé dans la langue d’origine et/ou à utiliser dans la langue d’arrivée.
Attention : dans de nombreuses langues, la terminologie courante relative à l’OSIEGSB est souvent limitée et péjorative. Il est évident que l’utilisation de termes irrespectueux ne peut pas créer le climat de confiance nécessaire à l’expression de ses motifs d’asile.
A l’inverse, le terme précis qu’utilise une personne LGBTI+ pour se nommer fournit des indications importantes sur son identité, son appartenance à une communauté, etc. qui sont déterminantes pour l’évaluation de la crédibilité de son récit et doivent être traduites de manière précise.
– ne pas comprendre les expériences relatées par les personnes et donc ne pas pouvoir les traduire

Conséquences → obstacles à l’accès aux ressources et aux droits

«  Je suis un réfugié érythréen. Et c’est difficile de déclarer son orientation sexuelle dans mon pays. Même ici je ne l’ai pas dit. Parce que j’ai eu un interprète érythréen pendant ma première interview, alors je n’ai pas dit que j’étais gay. »

→ non-déclaration de son OSIEGSB comme motif d’asile = pas de protection légale
→ sentiment d’insécurité et reproduction des discriminations basées sur l’OSIEGSB = pas de protection sociale
→ mauvaises traductions = mauvaise compréhension de la situation des personnes = besoins non-couverts

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Bonne pratiques

Pour l’interprète, garantir un accès égalitaire et inclusif des personnes LGBTI+ aux ressources et aux droits implique de créer un cadre sécurisé permettant la parole sur l’OSIEGSB. Pour cela, il est nécessaire de questionner :
– vos propres représentations sur l’OSIEGSB et les personnes LGBTI+,
les signes d’ouverture ou de fermeture sur l’OSIEGSB que vous transmettez à l’interprété·e par votre comportement,
– les éventuels stéréotypes hétéronormatifs et cisnormatifs véhiculés par un langage et une attitude « neutre ».

Une personne LGBTI+ se sentira d’autant plus en sécurité pour parler de son OSIEGSB devant vous que :
– vous êtes à l’aise avec la thématique, les concepts et les réalités de vie qu’ils recouvrent,
– vous maîtrisez le vocabulaire adapté, respectueux et non-discriminant dans la langue de départ comme d’arrivée,
– vous la rassurez (et garantissez) sur la confidentialité des informations échangées.

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Outils

Travailler le vocabulaire :

ORAM, Orientation Sexuelle, Identité de Genre et Expression de Genre : Terminologie Essentielle pour le Secteur Humanitaire, 2015.Glossaire OSIEGSB en anglais, français, turc, farsi et arabe, avec des définitions, translitérations, ainsi que les termes à éviter ou à adopter.

Asile LGBT Genève, Les mots pour le dire, 2017. Glossaire OSIEGSB traduit en anglais, tigrigna, espagnol, farsi et portugais.

Compréhension des réalités de vie des personnes LGBTI+ :

cf. page Les réfugié·es LGBTI+ et Ressources générales

Méthodologie :

UNHCR, Interpreting in a refugee context, Self-study Module 3, 2009.
Ce manuel expose les principaux défis liés à l’interprétation dans le contexte des demandes de protection (techniques d’interprétation, posture professionnelle, soin de soi, etc.). Les chapitres Language Issues>My langage Profile et >Language in a social context aux pp.32-56 traitent de manière générale des liens entre langage, représentation du monde, expériences de vie, niveaux de signification et interprétation.

Interpret!, Association suisse pour l’interprétariat communautaire et la médiation interculturelle, Le trialogue Santé. Guide de collaboration avec les interprètes communautaires, 2011

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